L'industrie de l'usinage est sur le point de passer aux étapes suivantes
L'automatisation va bien au-delà de la robotisation
Les robots et les cobots sont devenus omniprésents à proximité des fraiseuses et des tours à commande numérique dans de nombreuses usines de fabrication de machines. Alors qu'autrefois, les économies de coûts étaient la principale motivation d'opter pour un chargement automatique de la machine, aujourd'hui, il s'agit davantage du manque de personnel, du désir de déployer plus efficacement les rares travailleurs qualifiés et de la volonté de rendre la production plus flexible, parce que les délais sont de plus en plus courts et qu'on est de plus en plus souvent confronté à une succession de périodes de rush et de périodes à l'arrêt.
Utiliser davantage de robots ne suffit pas
La demande de robots dans l'industrie de l'usinage va-t-elle encore augmenter? Sans aucun doute. Mais introduire encore plus de robots dans les usines d'usinage sans tenir compte du flux de travail global ne suffira pas à répondre à la tendance qui consiste à flexibiliser la production, à la faire croître et à la rendre moins dépendante de l'homme.
Un robot - ou un cobot - attaché à une machine CNC augmente le nombre d'heures que vous pouvez produire avec cette machine, mais il crée des goulets d'étranglement à d'autres endroits du processus. En effet, chaque cellule robotisée doit être chargée de nouveaux matériaux en journée, les outils doivent être réglés et, le lendemain matin, les opérateurs doivent commencer la journée en déchargeant les composants qui ont été fraisés ou tournés pendant la nuit.
Grâce à des concepts d'automatisation astucieux, les intégrateurs de systèmes ont réussi à porter l'autonomie de ce genre de cellule avancée à plus d'un week-end, mais la question est de savoir si cela suffira à l'avenir.
Séparer les activités logistiques de l'usinage
À l'avenir, nous devons nous éloigner de l'idée d'un robot doté de capacités de chargement pour une ou deux machines à commande numérique. Il faut séparer les activités logistiques dans l'usinage et l'usinage proprement dit.
Les entreprises qui y parviennent s'orientent vers une différenciation des tâches. Le fraisage et le tournage sont laissés aux spécialistes; la logistique peut être assurée par le personnel logistique ou, à plus long terme, par des AGV avec des cobots ou peut-être des robots humanoïdes.
Différentes solutions
À quoi ressemble ce genre de concept? Différentes solutions sont envisageables, mais la base est toujours la même. Les matériaux, les dispositifs de serrage, les outils et les composants finis sont stockés de manière centralisée dans un entrepôt entièrement automatisé. Sur la machine CNC proprement dite, on ne conserve que le stock nécessaire à la production suivante. En stockant les dispositifs de serrage et les outils de manière centralisée et en facilitant leur gestion grâce à l'intelligence artificielle, il est possible de réduire les stocks d'outils.
La connaissance du stock et de l'utilisation des outils de coupe peut conduire directement à des économies de coûts, ainsi qu'à une production plus efficace
Ces dernières années, on note des magasins d'outils de plus en plus importants sur les machines CNC automatisées. Les entrepôts séparés avec deux à trois cents positions - et parfois plus - ne sont plus une exception. À l'heure actuelle, il s'agit de bonnes solutions; à l'avenir, elles pèseront lourdement sur le budget d'investissement de l'entreprise.
Le stockage centralisé permet d'utiliser plus efficacement les outils en les partageant entre plusieurs machines. Le transport physique vers la machine se fait soit parce que la machine CNC est intégrée dans le système de stockage logistique, soit parce que des AGV équipés de cobots sont utilisés à cet effet. Ces derniers systèmes ont fait l'objet d'une démonstration à l'EMO de Hanovre il y a deux ans, encore à l'état de concept, mais les premières applications sont déjà là.
Optimiser l'outillage
Avant de franchir cette étape, on peut commencer par optimiser la gestion de l'outillage. Souvent, les entreprises manufacturières n'ont pas une vision complète des coûts qu'elles consacrent chaque année à l'achat d'outils. Or, ces coûts peuvent s'avérer considérables.
La connaissance du stock et de l'utilisation des outils de coupe (y compris leurs supports) peut conduire directement à des économies de coûts, ainsi qu'à une production plus efficace. L'utilisation d'un système de gestion des outils est également une forme d'automatisation. Il permet non seulement à l'entreprise de mieux connaître son stock et son utilisation - et de gérer en fonction de ces chiffres - mais aussi de gagner du temps dans la préparation du travail si ces données sont disponibles pour la programmation FAO.
Comme on travaille avec des données d'outils actualisées, on connaît la durée de vie de l'outil; les données de préréglage sont automatiquement échangées avec la commande de la machine, de sorte qu'aucune erreur ne peut se produire à ce niveau. Et comme l'emplacement de chaque outil est connu, on évite les temps de recherche et les coûts supplémentaires, car il n'est pas nécessaire de conserver des stocks inutiles.
Réglage automatique des outils
L'étape suivante en termes d'automatisation est l'assemblage des outils par un cobot. Il est rare de voir de telles cellules d'outillage dans une entreprise, mais elles existent déjà. Sur base de la planification de la production, ce genre de cellule automatisée va automatiquement assembler, réduire et mesurer les outils.
Outre la compensation de la pénurie de travailleurs qualifiés, un autre défi pour les entreprises d'usinage consiste à réduire les délais de livraison
Actuellement, la rentabilité d'un tel investissement dépend du nombre d'outils à assembler par jour. À l'avenir, le coût de cette opération diminuera sans aucun doute, comme ce fut le cas lors de l'introduction des premiers systèmes de chargement robotisés.
Numérisation du flux de travail
Outre la compensation de la pénurie de travailleurs qualifiés, un autre défi pour les entreprises d'usinage consiste à réduire les délais d'exécution. C'est possible en numérisant le flux de travail au sein de l'entreprise.
La numérisation du flux d'informations dans l'usine n'est pas souvent considérée comme de l'automatisation, mais elle l'est en principe. Combien d'entreprises envoient encore à l'usine des bons de commande imprimés dans des chemises en plastique? Dans de nombreuses usines, une chemise colorée est un signe d'urgence. Lorsqu'on se promène dans une usine de machines, on voit des chemises contenant des instructions et des dessins en 2D partout, dans des caisses contenant du matériel découpé ou près de caisses remplies de produits semi-finis qui attendent la prochaine étape de production.
Pourtant, la technologie permettant de passer au zéro papier est prête et disponible. Cette étape est essentielle pour produire davantage à moindre coût et avec une qualité élevée en utilisant moins de main d'oeuvre qualifiée. Les systèmes ERP sont désormais monnaie courante dans l'industrie métallurgique, ce qui n'est pas encore le cas des systèmes MES. Le logiciel MES constitue le maillon entre les machines et le système ERP.
La connaissance garantit l'optimisation
La numérisation du flux d'informations permet d'optimiser les étapes de la production afin d'obtenir une meilleure connaissance. Les hommes sur le terrain bénéficient également d'une meilleure vue sur les commandes à venir, sans avoir à regarder dans toutes les chemises en plastique.
Les opérateurs reçoivent bien plus tôt le signal qu'ils doivent faire telle ou telle chose pour que la production puisse démarrer à temps. Des systèmes de planification de plus en plus avancés recherchent une planification optimale de la production, en tenant compte de la capacité et des commandes à terminer.
Une autre raison de numériser le flux d'informations est que, dans les années à venir, il sera plus facile de répondre aux obligations de l'Union européenne concernant le suivi d'éléments tels que les émissions de CO2 dans la production au niveau du produit. Par ailleurs, le passeport produit que l'UE va exiger nécessitera tellement d'informations qu'il faudra commencer à les rassembler numériquement.
La numérisation permet également d'obtenir un retour d'information sur la production. Les goulets d'étranglement deviennent visibles à un stade précoce, ce qui permet d'intervenir à temps. La production est ainsi plus sereine; il est moins nécessaire d'éteindre des incendies, ce qui, en fin de compte, améliore la qualité. À l'avenir, l'IA commencera à ajuster les processus sur base de données en temps réel, car les algorithmes basés sur l'apprentissage automatique peuvent prédire comment ajuster la production.
Programmation automatique des machines
Un autre avantage de la numérisation est l'application de la 'Model Based Definition' ou, du moins, la programmation partiellement automatique des pièces CNC. De nombreux produits sont aujourd'hui conçus à l'aide d'un logiciel de CAO, ce qui permet de disposer d'un modèle 3D. À partir de ce modèle, des dessins en 2D sont souvent produits, indiquant des spécifications telles que les tolérances.
Les logiciels de FAO peuvent désormais lire les fichiers STEP. La conversion n'est pas encore parfaite, mais il est possible d'automatiser une partie du travail de programmation de cette manière. Ces solutions sont déjà disponibles via la logiciel de FAO, ainsi que dans des versions spéciales de commandes de machines. Avec les progrès rapides de l'intelligence artificielle, ces solutions ne feront que s'améliorer.
Automatiser le contrôle de la qualité
Le contrôle de la qualité est une autre étape de l'automatisation que de nombreuses entreprises manufacturières pourraient encore franchir. Dans l'industrie de haute technologie en particulier, les clients exigent de plus en plus de rapports de mesure. Les salles de mesure sont donc soumises à une pression de plus en plus forte.
La technologie de mesure a déjà atteint le point où l'on peut également mesurer à côté de la machine ou dans la cellule de production. La mesure comparative consiste à comparer une pièce à un modèle maître, qui est placé à côté de la machine de mesure de manière à ce que la température n'ait aucune influence. La dernière génération de machines de mesure absolue utilise des capteurs de température qui mesurent et corrigent la température de la pièce.
Pour mesurer à côté de la machine, des techniques de balayage sont également disponibles aujourd'hui. Tout est fait pour que l'opérateur n'ait pas besoin d'être un technicien de mesure; en effet, la plupart des systèmes sont chargés par un robot ou un cobot et fonctionnent de manière autonome. L'un des avantages de la mesure à côté de la machine est qu'elle permet d'utiliser les données de mesure comme input pour le contrôle de la machine.
Si les résultats des mesures indiquent une valeur croissante, il est possible d'ajuster le décalage de la machine avant que la limite de tolérance ne soit dépassée. On évite ainsi les rejets pendant les heures de production sans personnel.
Libérer de la capacité
L'automatisation est souvent associée à la robotisation. Mais dans l'usinage, cette association est réductrice car en numérisant l'ensemble du processus, les entreprises peuvent obtenir une production bien plus optimale. Cela permet de libérer de la capacité sans avoir à investir dans une capacité de machine et une main-d'œuvre supplémentaires, qui seront de plus en plus rares dans les années à venir.
Le robot humanoïde arrivera-t-il aussi dans l'industrie?
L'année dernière, beaucoup d'argent a été investi dans le monde entier dans le développement de robots humanoïdes, c'est-à-dire de robots dotés de bras et de jambes. Cette technologie a pris son essor grâce au développement exponentiel de l'intelligence artificielle. Tout le monde n'est pas convaincu de l'arrivée de ce type de robot dans l'industrie, mais des entreprises comme Mercedes et BMW l'expérimentent dans leurs usines.
Et pourquoi un tel robot 'humain' ne pourrait-il pas effectuer des tâches logistiques, en alternative au cobot d'un AGV? Les points faibles restent actuellement l'autonomie limitée de la batterie: le robot doit souvent retourner à la station de charge; et l'absence de logiciel prêt à l'emploi. Bien que des robots humanoïdes soient proposés à moins de 10.000 dollars, le logiciel nécessaire à une application spécifique doit ensuite être développé en interne. Cette situation fait obstacle à une percée. Mais pour combien de temps?
