LES DEFIS DE LA TRANSITION VUS PAR ABC OLIE, QUI FETE SES 100 ANS
100 ans d’existence pour ABC Olie, dont 60 avec Shell comme partenaire
ABC Olie de Tilburg célèbre cette année son centenaire. Depuis déjà quatre générations, la famille van Ierland approvisionne de nombreux ménages des environs en chaleur, mais permet aussi aux usines de continuer à tourner. Au cours de ce siècle, le besoin d’énergie a explosé et on a, en outre, observé une évolution, du charbon vers le mazout et le gaz comme sources d’énergie dominantes. Et maintenant encore, une transition énergétique est en cours. Avec Shell, partenaire d’ABC Olie depuis 60 ans, le directeur Geert-Jan van Ierland se prépare à un avenir durable, même s’il exhorte ici au réalisme nécessaire.
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Du textile aux boissons fraîches, puis au charbon
Alors qu’au 19e siècle, la famille van Ierland était encore active dans l’industrie textile – comme tout Tilburg à cette époque d’ailleurs, les choses ont évolué au siècle suivant. Au début du 20e siècle, les clients, généralement des terrassiers de canal de Tilburg ou du Brabant, demandaient de plus en plus souvent à Gerardus ‘Graad’ van Ierland, vendeur de boissons fraîches, s’il ne connaissait personne qui pourrait les approvisionner en chaleur. Il a alors décidé de relever lui-même le défi et s’est lancé dans la vente de charbon, de briquettes et de tourbe. La firme ‘Familie G.J. van Ierland’ était née.
Du charbon aux carburants
Peu à peu, la firme s’est concentrée de plus en plus, conformément aux évolutions globales, sur le fioul domestique et les carburants, comme alternative au charbon en guise de source d’énergie. Un choix judicieux. La décision en 65 du cabinet Cals de fermer toutes les mines de charbon néerlandaises le confirme. Le nom de la firme a aussi été transformé lors de cette période, ces quatre années où la firme vendait du charbon comme du carburant, en Algemene Brandstoffen Compagnie, ou ABC Olie, plus représentatif.
Du particulier au professionnel
Tout n’a toutefois pas non plus été facile au cours de cette période. Geert-Jan van Ierland, directeur actuel et quatrième génération: “Lorsqu’on est soudain tombé en 59 à Slochteren sur un énorme gisement de gaz, on prédisait un avenir sombre au marché du fioul domestique, en affirmant que quasiment tous les ménages passeraient au gaz naturel. Les crédits de la banque ont, de ce fait, aussi directement été fermés, et ABC Olie s’est autrement dit retrouvé face à un problème. Il n’était plus possible d’investir, alors que nous avions non moins de 9 camions-citernes pour approvisionner un marché qui n’existerait bientôt plus. Impensable!” La solution à cette surcapacité logistique a finalement été trouvée en se ré-orientant. “Mon grand-père a décidé de se diversifier plus, de la simple livraison de combustibles pour des clients particuliers à la livraison de heating oil pour des entreprises agricoles et des firmes de transport. Un volailler p.ex. consommait alors 100 à 150.000 litres de combustible par an, uniquement pour le chauffage. Un cas à part, vu qu’aujourd’hui, cela représente maximum 5.000 litres par an. Mais la diversification nous a donc offert une issue.”
Des lubrifiants en plus des combustibles
Après 40 années de croissance continue, l’entreprise familiale s’est développée de plus en plus à partir de 2001, avec l’arrivée de Geert-Jan à la barre, dans le domaine des lubrifiants. “Une tendance en fait déjà amorcée avant mon arrivée, à la fin des années 80”, précise-t-il, modeste. “ABC Olie s’était alors forgé une réputation dans la livraison de combustibles aux entreprises et mon père souhaitait se concentrer plus sur la livraison de lubrifiants pour ces mêmes entreprises. Après la diversification du portefeuille de clients, cette manœuvre allait aussi s’avérer un coup dans le mille.”
PARTENARIAT AVEC SHELL
Reprise du dépôt Shell À Tilburg
Bien que le volet détail d’ABC Olie (“Cinq stations-service, pas notre activité principale; sinon, nous en aurions eu bien 100!”) soit paré d’un auvent bleu avec le logo correspondant, un partenariat avec un producteur de mazout renommé au moyen des camions-citernes d’ABC Olie n’est pas négligeable. “Pendant cette première transition du charbon vers le fioul domestique, nous avons conclu un premier accord avec Shell pour l’achat d’une certaine quantité de combustible”, explique van Ierland. ”Au départ, il n’y avait pas encore de contrat exclusif. Cela n’a été le cas que lorsque mon grand-père a décidé de reprendre l’ancien dépôt Shell à Tilburg.” Cela a constitué la base d’une collaboration particulièrement fructueuse entre deux entreprises progressistes, un partenariat durant depuis déjà 60 ans.
Consolidation du nombre de distributeurs
“Si nous avons été nerveux, lorsque Shell a décidé en 2008 de réduire le nombre de distributeurs?”, répète van Ierland. “Eh bien, non, mais cela a été un de ces moments dans cette histoire imbriquée, une heure de vérité disons, où nous voulions montrer de quoi nous étions capables afin de maintenir le partenariat fructueux du passé et même de l’élargir dans le futur. Nous comprenions que Shell doive consolider: 26 distributeurs pour un marché limité, cela n’était plus réaliste. On essayait de voir quels étaient les partenaires avec lesquels on voulait continuer à travailler et comment ces partenaires s’adaptaient aux changements. Bien sûr, la longue relation avec Shell jouait en notre faveur, mais tout de même … L’ensemble d’exigences posées n’était pas des moindres, et il fallait finalement bien y satisfaire! Et c’est ce que nous avons fait ...”
POUR LA NAVIGATION INTÉRIEURE AUSSI
Avec Vidol Marine, ABC Olie dispose d’une entreprise sœur axée sur les lubrifiants pour la navigation intérieure, en principe une joint venture 50/50 avec OQ Value B.V., un autre distributeur Shell. Cette entreprise commerciale était la conséquence directe d’une décision de Shell même, qui ne voyait plus de place pour la division Shell Marine Products Benelux dans un nouveau modèle économique. La multinationale britannico-néerlandaise a décidé elle-même de chercher un repreneur et l’a donc trouvé en les deux distributeurs. Avec la navigation intérieure en plus (via l’entreprise sœur Vidol Marine), ABC Olie parvient ainsi à couvrir tous les segments du marché: automobile, sous-traitance, transport, industrie et donc navigation intérieure.
EN MOUVEMENT DEPUIS 100 ANS
“Sur les camionnettes, on peut lire ‘En mouvement depuis 100 ans’, mais en fait, cela fait 100 ans que nous sommes en transition”, souligne le gérant. “Alors que les 30 premières années ont été marquées par une constance tranquille, nous évoluons depuis lors quasiment de manière continue: du charbon au fioul domestique, à l’agriculture, au transport, à l’industrie, avec à la fois aussi le lancement de quelques stations-service. Nous avons su mettre systématiquement de plus en plus l’accent sur la prestation de services: aider les clients à franchir ce pas suivant; et c’est justement là que se situe aujourd’hui notre force, pour les combustibles comme pour les lubrifiants.”
Lubrifiants
“Contrairement aux combustibles, la valeur ajoutée est bien plus explicite pour les lubrifiants. ‘Qu’est-ce que l’utilisation de cette huile de lubrification spécifique peut représenter pour mon processus de production?’ Vous pouvez bien mieux dialoguer avec les clients à propos des avantages des lubrifiants, que dans le cas des combustibles. Et les possibilités pour contrôler les conséquences d’une bonne lubrification sont évidemment aussi plus visibles en cette ère de l’Industrie 4.0, de l’automatisation, du condition monitoring, …”, explique van Ierland. Arjan Leijtens, Operational Manager chez ABC Olie, ajoute: “Cela peut sembler contradictoire pour un distributeur d’huile de lubrification, mais nous voulons aider les clients à consommer moins d’huile. Cela est notre objectif, mais afin de pouvoir conseiller le bon produit pour cela, les connaissances prennent de plus en plus d’importance. Les produits deviennent plus complexes en raison d’ensembles d’additifs plus innovants et il faut assez bien d’étude et d’expérience pour maîtriser le sujet. Et ici aussi, Shell est là pour nous épauler ...”
Transition énergétique
La quête d’alternatives aux carburants classiques constitue aussi un sujet particulièrement actuel qui en inquiète beaucoup. ABC Olie souhaite jouer ici un rôle de pionnier. “Nous nous sommes attelés très tôt à la vente de CNG comme carburant pour le transport et l’automobile à la pompe. Nous proposions aussi de l’essence E10 bien avant que la loi prescrive de l’essence avec une quantité accrue d’éthanol et cela fait aussi 7 ans que nous vendons du GTL (NDLR: Gas-to-Liquid, une huile de base synthétique à base de gaz), qui est selon nous une des innovations les plus importantes dans la transition énergétique en cours”, précise van Ierland avec fierté. “Ces 10 dernières années, nous nous sommes plongés de plus en plus dans cet approvisionnement en énergie, même si nous ne sommes pas plus que les autres devins. ‘Que cherche aujourd’hui le marché? Comment pouvons-nous aider les entreprises dans cette transition?’ Electrification, hydrogène, une huile de base moderne comme le GTL, …? Mais en tout cas: dans les deux mondes – les lubrifiants et les combustibles, nous espérons aider nos clients à faire les bons choix, les soulager de certains soucis ...”
SOULAGER DE CERTAINS SOUCIS
Maintenance réactive
‘Soulager les clients de certains soucis’. Une expression de marketing courante, restant toutefois souvent lettre morte dans la pratique. Pas pour ABC Olie. “Dès la fin des années 80, nous nous sommes lancés dans la maintenance réactive dans les usines, quand un gros contrôle était prévu. Une activité appréciée, que nous avons continué à développer depuis lors”, déclare le gérant. “Jusqu’à ce que les choses se gâtent en 2008 avec la crise et que tout le monde décide soudain de ne plus sous-traiter la maintenance, mais de l’effectuer désormais soi-même. Même sans spécialistes en interne. Quand nous promettions lors de cette période aux entreprises d’augmenter leur productivité avec un bénéfice de 100.000 euros, mais leur annoncions un coût de 20.000, elles nous regardaient toutes comme si nous étions devenus complètement fous!” Aujourd’hui, la confiance d’avant la crise semble rétablie et les entreprises sont à nouveau prêtes à confier la maintenance à des spécialistes. “Cela est quelque part logique. Les entreprises n’ont pas d’attention directe pour la maintenance et les membres du personnel ne sont souvent pas très motivés. Et dans l’industrie – je n’hésite pas à le dire, quasiment personne ne s’y connaît en huile! Nous bien!”, affirme-t-il confiant.
Capteurs pour compenser la perte de connaissance
Mais ce n’est pas tout. “Ce n’est que maintenant qu’on ressent énormément la pénurie de collaborateurs techniquement qualifiés”, estime van Ierland. “Nous disposons à la fois entre-temps de bien plus de trouvailles technologiques, et ce sont justement elles qui sont aujourd’hui, plus que jamais, en mesure de compenser la perte de connaissance de collaborateurs expérimentés dans la vague de vieillissement s’annonçant encore. C’est donc le bon moment pour la technologie! Notre premier projet est actuellement en cours”, explique van Ierland. “Il doit permettre de surveiller à distance la quantité et l’état de l’huile afin de pouvoir ainsi répondre au besoin du client, et le soulager de ces soucis. S’il est possible pour les sociétés de leasing, équipant les voitures de capteurs, de recevoir des notifications quand un entretien s’impose, pourquoi ne serait-ce pas possible dans l’industrie?”
Adaptatifs sur le plan de la technologie ...
Avec les Pays-Bas en guise de pionnier? “Peut-être, oui”, déclare van Ierland. “Les Néerlandais sont très adaptatifs pour ce qui est des nouvelles technologies, p.ex. fournir et ouvrir les données. Contrairement p.ex. aux Allemands ou aux Belges qui veulent généralement garder tout en gestion propre et construisent eux-mêmes des plates-formes, les Néerlandais cherchent quasiment toujours des partenaires. La partie A fait ceci, et B cela, … L’aspect liability (responsabilité) ne survient habituellement que bien plus tard, quand il est prouvé que quelque chose fonctionne réellement.”
… mais conservateurs pour ce qui est du financement
Le financement est toutefois une autre histoire. “Un modèle économique avec un genre d’abonnement, disons une redevance mensuelle pour l’huile et la maintenance, semble actuellement encore un peu trop loin”, pense le gérant. Une fee per use n’est, selon ABC Olie, pas non plus encore largement acceptée. “L’industrie est ici, plus que pour les nouvelles technologies, plutôt réservée et se montre plutôt conservatrice par rapport à de nouveaux modèles économiques. Mais le débat est en tout cas ouvert. Au dernier Hannover Messe, j’ai ainsi discuté avec une firme assurant la maintenance sur des plates-formes de forage. Cette firme reçoit un sérieux bonus, lorsque le temps de disponibilité de la plate-forme est manifestement plus élevé. Mais inversement, elle reçoit une sanction en cas de temps de disponibilité moins élevé. Les nouveaux modèles économiques selon l’exemple américain existent donc déjà, mais ils ne se répandent que très lentement en Europe ...”
L’AVENIR
“Quand je me rends à une fête, on a presque pitié de moi, parce que je vends des carburants”, raconte van Ierland avec sincérité. ‘Car la société se tourne vers l’électrique, et votre entreprise va donc disparaître.’ Un sérieux raccourci, bien sûr. Actuellement, à peine 1,6% de toutes les voitures aux Pays-Bas est électrique (source: CBS 2019) et il est impossible de passer du jour au lendemain à l’électrique ou une autre alternative, quoi qu’en pense le monde politique. Toute cette transition prendra encore bien 20 ans, je pense. Mais cela ne signifie pas pour autant que nous allons rester sans rien faire. Nous choisissons actuellement de proposer une palette la plus large possible de solutions énergétiques, convenant chacune pour un certain segment et application. L’avenir se profile à l’horizon, et nous serons prêts”, se projette van Ierland.
ENTREPRENEURIAT RESPONSABLE ET DURABILITÉ

‘Entrepreneuriat responsable et durabilité’. Pour ABC Olie, ce ne sont pas des notions vides de sens. Après avoir obtenu la certification MVO performance Ladder Niveau 3 en 2014 (très particulier pour l’opinion publique, vu qu’une entreprise active dans les carburants recevait cette reconnaissance), la firme s’est installée en 2017 dans un bâtiment à la pointe de la technologie complètement autonome via une pompe à chaleur et 160 panneaux solaires, ne comportant plus de raccordement au réseau de gaz, ni de cuve à mazout. “Cela peut sembler bizarre pour un distributeur de mazout disons à la source, mais nous avons décidé d’être neutres en CO2 avec ce bâtiment. Nous suivons aussi notre propre performance de CO2 afin de pouvoir acquérir des connaissances. Il serait hypocrite d’afficher une certaine image vis-à-vis du monde extérieur et de prôner des mesures vertes, mais de ne pas joindre nous-mêmes le geste à la parole en matière de durabilité. Et en fait, chaque entreprise a ici un rôle de pionnier à jouer et ne doit pas s’en tenir à une Tesla devant la porte ...”