L’INSTALLATEUR D’AUJOURD’HUI DEFINIT LE PAYSAGE ENERGETIQUE DU FUTUR

“Ne pas choisir automatiquement une nouvelle chaudière a condensation”

La transition énergétique … plus encore que le développement des technologies durables, semble susciter aujourd’hui une multitude d’avis et de controverses. L’un plaide pour une électrification complète, l’autre pour une reconversion écologique des combustibles classiques. Et le gouvernement? Il ne peut pas édicter des règles (politiques) claires. Une situation difficile pour celui qui construit ou rénove, à tout le moins pour l’installateur. Avec l’initiative Combativité pour l’installateur innovant, Lenn Coussement, Maarten Sourbron et Jan Caerels veulent en tout cas donner au professionnel le bagage nécessaire.

UN FACTEUR DETERMINANT MAIS UN SECTEUR CONSERVATEUR

En 2017, Techlink, COGEN Vlaanderen et la WarmtepompPlatform d’ODE Vlaanderen ont lancé le projet Combativité pour l’installateur innovant, une initiative visant à accompagner quelques 3.000 installateurs et entreprises d’installation flamands dans la transition énergétique en deux ans.

L’installateur définit le paysage de énergétique

“L’installateur joue un rôle décisif”, entame la responsable du projet Lenn Coussement pour souligner son importance. “Il agit en effet comme conseiller primaire, surtout dans les projets résidentiels, allant des maisons unifamiliales aux projets de co-housing ou petits immeubles à appartements, et les conseils qu’il prodigue aujourd’hui se traduisent dans des installations qui resteront encore aisément 15 à 20 ans. Comme tel, il détermine dans une large mesure l’aspect du paysage énergétique en 2030.”

Dans la pratique, les conseils des installateurs semblent se limiter encore souvent au placement ou remplacement par des chaudières à condensation classiques. “Bien que la plupart des professionnels interrogés aient entendu parler d’une pompe à chaleur, le seuil d’installation reste trop élevé pour beaucoup d’entre eux. Une technologie telle que la cogénération est totalement inconnue pour 80% des installateurs interrogés.”

Innovation difficile dans les petites entreprises

“Le secteur HVAC belge est conservateur”, explique Coussement. “Les petites entreprises sont nombreuses et cela complique la diffusion des connaissances et l’innovation. De plus, l’enseignement est à la traîne. C’est compréhensible – rédiger et traduire des programmes scolaires prend du temps et on ne peut évidemment pas délaisser subitement les techniques classiques – mais problématique.”

“Regardez les Pays-Bas. Ils ont décidé d’exclure totalement les installations au gaz naturel mais souffrent aujourd’hui d’un grand manque d’installateurs pour réaliser de nouvelles installations de pompe à chaleur qualitatives. Il est important d’anticiper un tel scénario.”

"Nous devons éviter un scenario comme aux Pays-Bas"

LA TRANSITION ENERGETIQUE EST UNE QUESTION DELICATE

Naturellement, les pompes à chaleur ne sont pas la seule technique mise en avant dans la transition énergétique. “La transition énergétique est une question délicate”, concède Jan Caerels de COGEN Vlaanderen. “Il existe bien des visions conflictuelles et le plus souvent la polarisation figure au premier plan. Les annonces d’une interdiction des chaudières à mazout ou autres techniques compliquent encore la situation. Le secteur du chauffage est très dépendant des décisions politiques. Il est donc très difficile de prédire l’issue finale.”

L’avenir est-il all-electric?

Finalement. Ce terme est essentiel d’après Caerels. “En ce qui me concerne, les solutions électriques domineront le marché à terme mais quand précisément? Si nous installons des éoliennes au rythme actuel et fermons nos centrales nucléaires, seul un tiers de notre électricité proviendra de sources renouvelables d’ici 2030. Nous ne serons donc pas aussitôt all-electric.”

Maarten Sourbron approuve. “Le transport de l’énergie via l’électricité est très simple en soi,” dit-il, “donc le rôle de telles solutions augmentera mais les possibilités ne sont pas infinies et la question de la production durable, comme Jan l’évoque, est au moins aussi importante.”

Une histoire aux multiples facettes

Attendre la clarté n’est toutefois pas une option. “La transition énergétique ne s’opère pas du jour au lendemain”, affirme Caerels. “Nous sommes dans une période de transition, et nous devons miser à la fois sur la production durable des combustibles et sur leur utilisation efficace. C’est une histoire aux multiples facettes, dans laquelle diverses technologies jouent leur rôle.”

Combativité pour l’installateur innovant

Combativité pour l’installateur innovant est une initiative de la fédération professionnelle Techlink, la WarmtepompPlatform (ODE Vlaanderen) et COGEN Vlaanderen, et est subsidiée par VLAIO. Le projet de deux ans se concentre sur une série de quatre cours sur les pompes à chaleur et la cogénération mais invite en marge l’installateur HVAC à des séances d’information et divers instruments de travail (www.vernieuwende-installateur.be).

L’ingénieur industriel Lenn Coussement agit comme chef de projet compte tenu de Techlink. Le bio-ingénieur Jan Caerels (COGEN Vlaanderen) se charge des leçons en matière de micro-cogénération. L’ingénieur civil Maarten Sourbron, enfin, gérant du bureau d’études Thermiek et professeur invité en thermodynamique à la KULeuven, informe les installateurs au nom de la WarmtepompPlatform sur la technique de pompe à chaleur.

 Le projet Combativité s'est achevé le 22 novembre par un événement adapté pendant Install Day.

PLANTER UNE GRAINE

De nombreuses possibilités et de nombreuses techniques, cela signifie toutefois aussi le besoin de nombreuses connaissances (différentes). “Les formations régulières font face à une mission difficile”, concède Sourbron. “Les jeunes installateurs seront encore confrontés aux chaudières à gaz et à mazout pendant encore de nombreuses années, donc on ne peut pas négliger ces éléments de formation, mais en outre, les pompes à chaleur, la cogénération, les ballons solaires … arrivent également. Tout cela est en surplus.”

Le projet Combativité pour l’installateur innovant tente d’ores et déjà de se charger de quelques techniques, à savoir les pompes à chaleur et la cogénération. “L’accent est mis sur ces techniques spécifiques pour plusieurs raisons”, confie Coussement. “Le projet a évolué à partir de deux demandes séparées précédentes de COGEN et ODE Vlaanderen, mais il est aussi important pour Techlink qu’ils établissent tous deux le lien entre le chauffage et l’électricité.”

“Par ailleurs, les deux technologies se suffisent à elles-mêmes”, ajoute Sourbron. “Contrairement p.e. à un ballon solaire, elles peuvent satisfaire à tout moment à la demande de chaleur complète d’une maison.” “Mais elles sont aussi complémentaires,” affirme Coussement: “en effet, une cogénération peut produire de l’électricité de façon efficace pour différentes pompes à chaleur, aussi en hiver.”

Une histoire neutre

Toutefois le propos du projet Combativité est avant tout de raconter une histoire neutre. “Ce n’est pas à nous de résoudre la question de la transition énergétique,” affirme Sourbron, “ni de pousser les installateurs en direction d’une technologie précise. Mais nous voulons bel et bien leur offrir les aides nécessaires pour réfléchir par eux-mêmes. De telle sorte que lorsqu’ils reçoivent une demande de chauffage, ils n’adoptent plus automatiquement une chaudière à condensation, et ne dépendent plus de leur fournisseur, qui a généralement un agenda commercial. Tel est le but: que l’installateur se rende vers le client l’esprit ouvert et sans préjugés.”

Les bons outils

Un bagage technique est essentiel, même si c’est aussi un exercice d’équilibre difficile d’après Caerels. “Nous voulons remplir le cartable de l’installateur mais pas à tel point qu’il en devient trop lourd pour être porté.”

Dans le projet, les installateurs reçoivent surtout une introduction aux différentes technologies. “Pour les pompes à chaleur et pour la cogénération, il est important de comprendre le principe de fonctionnement”, déclare Sourbron. “Vous ne devez pas nécessairement être technicien frigoriste pour placer une pompe à chaleur mais vous devez bel et bien comprendre les principes de base de l’évaporation et de la condensation. Par ailleurs, nous accordons une grande attention aux possibilités d’application et au dimensionnement. Le travail d’installation effectif, physique, n’est pas si complexe en soi; ce sont les étapes précédentes qui constituent un défi pour la plupart des installateurs.”

“En ce moment, il s’agit d’utiliser les sources d’energie disponibles avec la plus grande efficacite possible”

“C’est pourquoi nous développons aussi un outil par lequel l’installateur reçoit une première idée des technologies pouvant être appliquées chez son client ou pas via un système de questions et réponses”, complète Coussement. ”Ce n’est pas un outil pour dimensionner mais cela incite à nouveau les installateurs à refaire cette réflexion.”

PUBLIC CRITIQUE

Les réactions au projet sont d’ores et déjà positives. “Environ tous les installateurs que nous avons interrogé au terme de la formation se voient installer des pompes à chaleur à l‘avenir,” confie Coussement, “et en matière de cogénération, une technologie quasi inconnue auparavant, nous voyons que le seuil baisse chez différents installateurs.”

Caerels était en tout cas positivement surpris par les installateurs participants. “Nous avons vu des professionnels de générations très diverses et avec divers contextes professionnels, mais tous ont montré un extrême intérêt.”

“Egalement important,” complète Sourbron: “ils ont osé poser des questions. Tant sur des aspects très pratiques tels qu’un diamètre de tube que sur l’applicabilité de certains systèmes ou de la transition énergétique et des différentes pistes. Critiques, certainement, mais pas négativistes. ” “Et avec connaissances des choses”, ajoute encore Caerels. “Je souhaite réfuter catégoriquement l’idée selon laquelle les installateurs ne sont pas assez qualifiés techniquement. L’engagement critique que j’ai vu ici me fait envisager l’avenir du secteur de façon positive.”