“NOUS NOUS CONSIDERONS COMME UN 'ENTREPRENEUR CONCEPTUEL'”
LE CEO SA MATHIEU GIJBELS PLAIDE POUR LE BIM COMME STANDARD DANS LA CONSTRUCTION
Le secteur des entreprises de construction est confronté à des évolutions rapides,tant sur le plan des matériaux et des styles de construction que de la législation. Mais pour certains, cela ne va pas encore assez vite. Mathi Gijbels, administrateur délégué de la sa Mathieu Gijbels sise à Opglabbeek, plaide très fortement en faveur d'une introduction générale du Building Information Model (BIM) comme standard pour ériger toutes sortes de bâtiments.
PRESQUE UN DEMI-SIECLE DANS LE SECTEUR DE LA CONSTRUCTION

Mathieu Gijbels nv à Opglabbeek est une entreprise de construction spécialisée dans l'érection de bâtiments d'entreprise et d'immeubles de bureaux. “Mon père a fondé l'entreprise en 1969”, entame l'actuel administrateur délégué Mathi Gijbels. “Nous soufflons nos cinquante bougies dans deux ans. En 1998, j'ai repris la direction de l'entreprise. Cette reprise est intervenue au même moment que notre déménagement de Meeuwen-Gruitrode à Opglabbeek. Outre le domicile paternel, on y trouve encore notre atelier pour la production de constructions en acier. Mon père a débuté par une société unipersonnelle, initialement axée sur la construction d'étables et autres bâtiments agricoles. A la fin des années 70, il a franchi le pas vers la construction industrielle, en partie à cause de la crise dans le secteur agricole. Sur la base de la qualité de produit et de l'attention pour les nouveaux matériaux, il a très vite réussi à faire la différence dans le secteur. Les éléments préfabriqués sont devenus très ordinaires, mais à l'époque, ils étaient révolutionnaires. Grâce à ce rôle de pionnier, l'entreprise a connu une forte croissance avec un accent de plus en plus marqué sur le 'turnkey' ou clé sur porte.”
Présence locale
Mathieu Gijbels est actif dans tout le pays, ainsi qu'aux Pays-Bas, en Allemagne et au Luxembourg. “Outre notre siège à Opglabbeek, nous disposons de succursales à Gand et à Nivelles, d'où nous desservons respectivement la Flandre orientale et occidentale, et la Wallonie”, confie Mathi Gijbels. “En effet, nous sommes convaincus que tout entrepreneur doit être présent sur le marché local pour savoir qui projette de construire. En Belgique, nous sommes leader du marché de la construction de garages et des show-rooms et ateliers annexes. Cependant, nombreux sont ceux qui pensent que nous ne faisons que cela, alors que ceci ne constitue souvent même pas un quart de nos activités. En effet, les bureaux et les parcs retail figurent aussi dans notre gamme. Ces derniers temps, nous transformons aussi de plus en plus souvent des immeubles de bureaux en chambres d'étudiant. Dans le marché de l'architecture plus raffinée avec une finition très qualitative, nous sommes fortement représentés. Aussi nous ressentons peu ou pas de concurrence des autres grandes entreprises de construction qui visent surtout la quantité. Nous essayons avant tout de construire le rêve de notre client.”
Futurn pour la promotion immobilière
ès les années 80 s'est développée, à côté de la construction classique, une nouvelle branche, à savoir la promotion immobilière. “Avec quelques autres parties, nous avons fondé Futurn”, déclare Mathi Gijbels. “Avec Serge Hannecart, Frederik Baert et Gunther Biddelo, nous sommes au total quatre partenaires. Nous avons réuni nos connaissances et nos ressources pour nous concentrer comme promoteur immobilier sur le redéveloppement de sites sous-utilisés et ce, via l'assainissement, la démolition, la rénovation et la nouvelle construction.
Nous créons ainsi un nouvel espace. Nous préférons travailler avec des sols affectés plutôt que de réaffecter des 'greenfields'. Futurn signifie ‘to turn around for the future’. A Kuurne, nous avons acheté récemment le site Barco auquel nous allons donner en partie une nouvelle affectation. Les anciens sites Philips à Roulers et Beveren-Nord sont aussi des exemples, tout comme l'ancien site Corelio de Grand-Bigard. Pour les pouvoirs locaux, nous sommes souvent un partenaire rêvé qui veille à l'utilisation optimale de leurs terrains industriels souvent en pénurie. Il n'est pas rare que nous transformons un site qui ne comptait qu'une seule entreprise, en une zone bien aménagée offrant l'espace pour des dizaines de PME. Celles-ci emploient souvent plus de personnes que l'ancienne grande entreprise. Ceci profite à l'emploi local. De plus, nous adaptons les bâtiments à la demande actuelle du marché: des bureaux combinés avec un atelier, des possibilités de stockage flexibles et ainsi de suite.”

CONSTRUCTION PLUS INTELLIGENTE
‘Prépenseurs’
Grâce à l'accent spécifique turnkey, Mathi Gijbels veut se réunir avec le client et l'architecte le plus tôt possible dans le processus de construction. “Avec le maître de l'ouvrage et avec respect pour le rôle de l'architecte, nous essayons d'évoluer vers un meilleur plan. La meilleure solution n'est peut-être pas toujours la moins chère, mais l'histoire est tout à fait différente quand vous intégrez d'emblée l'efficacité énergétique et la durabilité. A partir de cette philosophie, nous avons lancé le terme de 'prépenseurs'. Nous possédons pas mal de connaissances et d'expérience chez nos 300 collaborateurs. Nous sommes donc convaincus que nous pouvons créer une grande valeur ajoutée dans le processus de construction sans cesse plus complexe en étant impliqués dès le début. De nombreux architectes acceptent notre expérience et nos connaissances comme aide dans l'exécution de leur job. Au final, nous visons tous à parvenir avec le client à une bonne solution dans le cadre du budget disponible, du timing postulé et des attentes qualitatives. Attention, nous ne voulons pas reprendre le rôle de l'architecte, mais nous nous voyons plutôt comme un entrepreneur conceptuel qui veut être étroitement impliqué dans la phase de planning, toujours dans le respect du rôle de l'architecte. Si cet architecte reconnaît la plus-value de notre rôle de spécialiste exécutant, de beaux projets peuvent être livrés. Nous pouvons proposer des solutions sous d'autres angles d'attaque, en y associant les conséquences budgétaires. Ceci évite au client des surprises dans une phase ultérieure.”

La solution encore avant le problème
“Avant, nous constations souvent que les entrepreneurs désignaient des architectes qu'ils connaissaient personnellement. Souvent parce qu'ils avaient contribué à construire leur maison privée, ou via d'autres relations dans leur ville ou village. Toutefois, il n'était pas rare que ces architectes aient peu ou pas d'expérience dans la construction industrielle. Mon père était aussi contraint de se saisir du crayon de dessin dans l'intérêt du client. Il n'en était pas toujours remercié. Aujourd'hui, ce problème est heureusement révolu. Maintenant, de nombreux architectes ont de grandes connaissances de la construction industrielle. Ils savent de quoi ils parlent, mais réalisent en même temps que la complexité du processus de construction est si grande qu'il vaut bien mieux collaborer que suivre un modèle conflictuel. A partir du principe de ‘prépenseurs’, nous affirmons très simplement que vous courez après les faits si vous devez réfléchir à un problème qui se pose sur le chantier. Le standard est que vous réfléchissez à une solution avec le client et l'architecte. Mais la situation n'est vraiment bonne que si aucun problème ne se pose sur le chantier, parce que vous avez déjà réfléchi en profondeur à tous les aspects possibles du processus de construction. Vous apportez littéralement une solution avant que le problème se pose. Ainsi, nous voulons construire 'sécurisant' pour le client et nous n'avons pas choisi ce terme pour rien. Car nous entendons ici la sécurité de nos collaborateurs sur les chantiers, mais aussi l'offre à nos clients d'une entreprise solide qui ne les laissera pas tomber durant le processus de construction. Nous soutenons à 100% le modèle de collaboration. Nous ne croyons pas que le modèle d'adjudication classique peut conduire aux meilleurs résultats, ni pour nous, ni pour nos collaborateurs, ni pour le client. Si vous pouvez utiliser de façon positive et dans une ambiance de coopération toute l'énergie négative souvent placée dans des discussions pendant les réunions de chantier, la construction devient soudain plaisante au lieu d'être un facteur de stress.”

“Le BIM est encore trop peu répandu”
Mathieu Gijbels travaille déjà presque un demi-siècle dans le secteur de la construction. Si certaines évolutions sont déjà ultrarapides, cela peut parfois encore aller plus vite pour Mathi Gijbels. “Nous travaillons depuis 2006 avec le BIM, ou Building Information Model. C'est un modèle digital d'une construction existante ou prévue, érigée avec des objets auxquels sont associées des informations. Hormis la géométrie et la position d'une paroi, p.ex., on peut ajouter des informations telles que le matériau de construction à utiliser, les dimensions d'un évidement pour une fenêtre et le parcours d'une tuyauterie. Attention, le BIM est bien plus que de simples dessins en 3D. Nous voyons des avantages incroyables depuis des années déjà. Mais ce n'est que ces dernières années que le concept séduit de plus en plus. Toutefois, nous observons encore une grande résistance, parce que la construction virtuelle réclame un autre état d'esprit de la part des architectes, maîtres d'ouvrage et entrepreneurs. Selon nous, on se cantonne trop longtemps à la méthode de construction classique. La conséquence est qu'on reste confronté pendant l'exécution à des erreurs et problèmes qui auraient pu être évités par une meilleure préparation, virtuelle. On doit alors investir tellement de temps et d'énergie dans la résolution aujourd'hui d'erreurs d'hier qu'il ne reste plus d'énergie pour réfléchir aujourd'hui aux façons de travailler mieux et plus efficacement demain. Associez ceci à la crainte de certains entrepreneurs de ne pas avoir un volume de travail suffisant, ce qui fait que des prix bas et de courts délais de construction sont acceptés, et vous entrez dans un cercle vicieux. Sans que le secteur n'adresse le moindre rappel à l'ordre. C'est dommage, car il mérite bien plus de respect. En fait, les marges sont trop petites, par rapport aux risques pris. Je suis idéalement placé pour comparer entrepreneurs et promoteurs immobiliers. Quand je constate à quel point on travaille dur dans notre entreprise pour gagner quelque chose et que je compare cela aux marges d'un promoteur immobilier, tout n'est pas mis en perspective.”

PERSONNEL QUALIFIE
Toujours des offres d'emploi vacantes
Mathieu Gijbels emploie à peu près 300 salariés, dont la majorité dans le siège à Opglabbeek. “A Gand, notre bureau compte une dizaine de collaborateurs et à Nivelles, cinq, mais notre objectif est d'augmenter sensiblement ce nombre”, affirme Gijbels. “Nous effectuons de nombreuses activités en régie, dont les constructions en acier, les fenêtres et portes en aluminium, les travaux de pliage, le montage sur le chantier, les fondations et les égouts, la finition intérieure et ainsi de suite. Pour bien d'autres travaux, comme le pavage, les travaux de peinture et les techniques, nous faisons appel à des sous-traitants soigneusement sélectionnés. En effet, il n'est pas facile de trouver du personnel suffisamment qualifié. Chez les employés, c'est difficile, mais pas impossible et en outre, le roulement est faible. Mais pour les ouvriers, nous devons davantage rivaliser avec d'autres secteurs pour les fidéliser à notre entreprise. Les distances vers les chantiers sont parfois grandes, ce qui entraîne de longues journées. Et même si le salaire est très bon, certains abandonnent devant la pénibilité du travail, tant mentale que physique. Pour minimiser cela, nous essayons de fournir à nos salariés les outils les plus modernes pour exécuter leur travail le mieux possible et avec le moins de sollicitation. Mais cela n'empêche pas que nous avons des offres d'emploi vacantes.”
“La soif d'apprendre est un atout”
Chez Mathieu Gijbels, les jeunes ont toute l'opportunité de découvrir le marché du travail. Cela va si loin que l'entreprise a rejoint un projet permettant aux élèves de l'enseignement supérieur spécial d'acquérir de l'expérience pratique. “Nous ouvrons volontiers nos portes à toute personne désireuse d'apprendre ou d'acquérir de l'expérience”, confie Gijbels. “Du reste, nous constatons aussi dans d'autres cas que la soif d'apprendre est un atout important que les jeunes eux-mêmes peuvent apporter. Que ce soit sur les chantiers ou dans notre département ingénierie, on peut citer de nombreux exemples de collaborateurs qui sont venus ici sans expérience notable, mais qui sont devenus l'un des nombreux piliers sur lesquels repose notre entreprise. Nous ne pouvons pas vraiment reprocher aux diplômés de manquer ou de ne pas avoir d'expérience, car la construction préfabriquée est si spécifique qu'il n'existe aucun programme de cours. En résumé, celui qui est réellement motivé, peut travailler sans problème chez nous.”
“NOUS VOULONS ETRE ACHETES”
En prévision de l'avenir, Mathi Gijbels veut surtout que les clients choisissent d'eux-mêmes son entreprise parce qu'ils sont convaincus par la méthode de travail. “Quand vous érigez une construction, vous avez un minimum olympique: une réception dans le cadre du budget, du délai et des attentes qualitatives. En plus de cela, nous privilégions l'expérience du client pendant le processus de construction. Nous voulons que l'on anticipe une réunion de chantier et que cela ne devienne pas un supplice pour toutes les parties. Nous voulons une entreprise jeune et innovante qui attire les meilleurs profils pour procurer au client cette sensation. Et nous voulons que la visite du client procède d'une démarche active en faveur du choix de notre méthode de travail spécifique. C'est déjà le cas pour environ la moitié des projets que nous exécutons. Il reste donc une marge de croissance. Nous voulons littéralement être achetés, plutôt que devoir nous vendre. Pour cela, vous avez besoin de bons collaborateurs. Pour que nos collaborateurs soient fiers de leur entreprise, nous soutenons du reste de nombreux projets sociaux au niveau local. Nous voulons ainsi nous profiler comme une entreprise avec un cœur et une âme. Nous faisons plus que construire pour dégager du profit. Nous voulons réellement jouer notre rôle dans la société. Une entreprise familiale de 300 collaborateurs a ses responsabilités.”