Comment devenir une usine numérique?
Vous l'avez déjà compris: la numérisation est omniprésente, de nos jours. Cependant, de nombreuses entreprises ont du mal à l'implémenter sur le lieu de travail. Comment savoir où la numérisation peut représenter un grand pas en avant et comment se prémunir contre les pièges?
the quick & the dead
"Bientôt il ne restera plus que 2 types d'entreprises: les rapides et les mortes". Cette citation d'Andy Grove, ex-CEO d'Intel, est tout à fait pertinente. Par cette citation, il veut manifestement dire que les entreprises qui peuvent s'adapter le plus rapidement à une nouvelle réalité auront les meilleures chances de survie à long terme. Bien que la numérisation soit devenue un terme fourre-tout, on peut tout de même discerner une certaine feuille de route (voir image). La numérisation n'est pas seulement une facette qui affecte les performances de l'entreprise, elle a aussi un impact énorme sur les processus de travail - et donc sur les employés. C'est d'ailleurs un fait qui s'applique à toutes les entreprises dans une mesure plus ou moins grande, mais tout le monde ne se trouve pas dans la même phase. A ceux qui crient "Je veux numériser", on peut donc répondre par la question réciproque suivante: "Que voulez-vous obtenir"?

Où vous situez-vous dans ce processus?
3 Témoignages
Lors d'un séminaire Agoria, 3 entreprises sont venues témoigner de leur expérience de la numérisation. Leur expérience montre également la diversité des motivations auxquelles la numérisation doit apporter une réponse.
Filame
Albert Béchet représente l'entreprise Filame de Nivelles, qui est spécialisée dans la fabrication de pièces à base de fil et de feuillard. Il commence par décrire le marché sur lequel son entreprise opère: "Nous opérons dans un secteur où les produits sont très divers et les clients très divers également. Il faut être en mesure de traduire cette diversité dans votre processus de production, avec des temps de changement limités et un haut degré de flexibilité. Avant, nous n'y arrivions pas, ce qui avait un impact sur les délais de livraison et la satisfaction des clients. En outre, le suivi de la production était encore archaïque, avec des plannings sur des feuilles Excel et autres. C'est pourquoi nous avons voulu passer à une approche adaptée. Nous y sommes parvenus en adaptant la structure, afin que les données clés puissent être consultées plus facilement par tous. Les informations sur les retards, les erreurs et le statut de la production sont devenues accessibles aux opérateurs et au personnel commercial. Le flux d'informations est bien meilleur maintenant. En outre, les employés et les services peuvent s'entraider plus efficacement et de manière proactive. Cela permet également de garantir une meilleure ambiance de travail. L'entreprise fonctionne désormais comme un organisme, pour ainsi dire, plutôt que comme une structure hiérarchique lourde."

"Le plus grand défi pour nous ne résidait pas dans l'aspect technologique, mais dans le pilier humain. Le changement a nécessité un état d'esprit complètement différent de la part de tous les employés. Les anciennes structures hiérarchiques ont disparu et ont fait place à une forme d'indépendance pour les employés. Mais l'indépendance implique aussi un certain sens des responsabilités. Nous avons travaillé dur sur ce point. Voici le conseil que je voudrais donner: gardez toujours l'objectif final en tête. L'objectif doit être de créer une entreprise qui fonctionne bien et qui est flexible. Vous ne pouvez y parvenir qu'en créant une bonne symbiose entre la technologie et le capital humain."
Vinventions
Axel Pirard représente Vinventions de Thimister-Clermont, une entreprise qui produit des solutions de bouchage pour les bouteilles de vin. Leur attention s'est portée sur une autre facette: "Nous avons 50 lignes de production dans un seul hall. C'est un travail de titans de les surveiller toutes 'manuellement' en même temps. Nous voulions donc un système qui permette au responsable de générer des données fiables à partir des processus et de les visualiser facilement. L'idée sous-jacente était d'améliorer ainsi l'efficacité de la machine."

"Notre système MES constitue la base de notre démarche vers une plus grande numérisation. Pour le suivi des défaillances, il a apporté une grande amélioration grâce aux données historiques sur la qualité qui y sont stockées. La recherche de la panne et l'intervention elle-même peuvent se dérouler beaucoup plus rapidement grâce à ces informations."
"La traçabilité s'est également améliorée. Comme nous ne travaillons plus avec du papier mais avec des tablettes, toutes les tâches de contrôle effectuées par les opérateurs sur les machines sont enregistrées numériquement. Cela fournit à son tour une mine d'informations. Le remplissage numérique étant mieux défini, on peut travailler avec plus de précision. Les formulaires papier sont parfois illisibles, incomplets ou mal remplis. Les formulaires numériques permettent d'éviter cela et d'améliroer l'efficacité."
AW Bruxelles
Olivier Dequenne travaille pour AW Brussels. Ils fabriquent des pièces pour le secteur automobile, telles que des transmissions automatiques et des systèmes d'information, à partir de 2 sites. "Dans le secteur où nous opérons, la rapidité est très importante, car la concurrence est toujours à l'affût. Nous devons donc utiliser au mieux le temps disponible, tant pour la demande des clients que pour les processus logistiques internes. La numérisation doit donc nous permettre de prendre nos décisions rapidement."
"Nous travaillons à une meilleure utilisation du temps par nos opérateurs. Nous voulons qu'ils soient en mesure d'assumer le travail avec une valeur ajoutée. C'est pourquoi nous travaillons avec un système qui fait des suggestions à l'opérateur de manière autonome. L'opérateur peut répondre rapidement et gagne ainsi du temps pour accomplir d'autres tâches à plus grande valeur ajoutée. La visualisation joue un rôle important à cet égard."
"La collecte de données est un pilier important de notre processus de numérisation. Ces données proviennent à la fois du produit que nous fabriquons et des machines. La saisie, la collecte, l'analyse et le déploiement de ces informations constituent aujourd'hui un travail de longue haleine. Ce processus ne doit certainement pas être sous-estimé."
"Par ailleurs, nous avons également travaillé sur un système permettant de visualiser les chiffres clés de notre production pour les employés, tous départements confondus. Cette façon transparente de travailler a vite séduit. Nos fournisseurs et nos clients ont également eu un aperçu en temps réel de l'état de notre production. “
"Comme plus grand défi, je mentionnerais le décloisonnement entre les départements. La gestion du changement peut offrir une solution à ce problème. Chacun doit garder à l'esprit que l'objectif final est le même pour tous. Si un processus doit être modifié, vous aurez sans doute des discussions entre les départements concernés. Cela nécessite parfois une intervention structurelle."
DIGITALISATION & CYBERSECURITE
AW Brussels, Vinvention et Filame ont toutes été confrontées à des cybermenaces.
Dans le cas d'AW Brussels, il s'agissait de ransomware et d'e-mails malveillants. Dequenne: "Il n'y a pas grand chose que l'on puisse faire pour ces choses-là. Il est important de protéger correctement vos systèmes et surtout de maintenir cette protection à jour. Pensez, par exemple, aux portails auxquels les clients et les fournisseurs peuvent accéder. Assurez-vous qu'ils sont correctement protégés du reste de votre réseau."
"Nous avons également été confrontés à cette question, notamment après une attaque par ransomware qui a pénétré nos systèmes", indique M. Béchet. "Heureusement, notre système de back-up était au point et nous avons pu tout remettre en marche sans trop de dommages. Mais ça a été des jours particulièrement intenses."
Vinventions a également échappé au pire après une cyberattaque. Axel Pirard: "Cela ne nous est pas arrivé à nous, mais à notre département américain. Ils ont été incapables de mener des activités normales pendant huit jours. Heureusement, il n'y avait pas de liens profonds entre nos systèmes, bien que notre ERP ait été infecté. Comme nos machines ne sont pas connectées à l'ERP, ils ne sont pas entrés chez nous et nous avons pu continuer à travailler."