Plus loin que l'I4.0, vers un équilibre optimal entre l'homme et la machine
Industrie 5.0
L'industrie 5.0? Alors que beaucoup sont encore en train de passer de l'Industrie 3.0 à l'Industrie 4.0, nous sommes déjà confrontés au prochain défi. Mais quelle est la différence par rapport à l'Industrie 4.0 et pourquoi mène-t-on la transition vers la 5.0?
Révolutions industrielles
La révolution industrielle est un terme que l'on associe aux grands changements. Depuis la première révolution industrielle (l'entraînement vapeur pour mécaniser la production – 18e siècle) et la seconde (la production de masse grâce à des chaînes de montage à commande électrique – 19e siècle), l'état actuel se situe quelque part entre l'Industrie 3.0 et la 4.0. Alors que la troisième révolution a permis une production commandée par l'électronique (et l'informatique) au 20e siècle, la 4.0 vise à améliorer la production par l'utilisation de concepts tels que les systèmes cyber-physiques, le contrôle distribué et l'exploration des données industrielles. La transition de 3.0 à 4.0 bat son plein et présente de nombreux défis. Pourtant, la prochaine révolution industrielle est déjà à portée de main. Nous parlons de la version 5.0. Le prochain mot à la mode, mais avec une différence par rapport à 4.0.
I5.0
L'Industrie 5.0 est 'centrée sur l'humain', il s'agit d'une vision qui va au-delà de l'augmentation de la productivité en améliorant les processus de production, en décentralisant les systèmes et en exploitant les données. Cette nouvelle vision est axée sur l'homme et la société et sur la synergie entre l'industrie et la société.
Nous accordons un rôle central à l'humain et à son bien-être.
L'industrie 5.0 est centrée sur l'humain
Alors que l'Industrie 4.0 déclenche une révolution numérique dans le secteur de la production, l'Industrie 5.0 sera une révolution numérique pour l'homme, tant dans la production que dans la société. La technologie et la numérisation seront un moyen de renforcer et d'améliorer les capacités et les compétences des personnes. Nous placerons l'humain et son bien-être au centre, non seulement dans l'industrie mais aussi dans la société. Dans cette optique, le terme 'Society 5.0' a déjà remplacé 'Industry 5.0'.
La technologie au service du travailleur, en lui apportant un soutien dans les affaires difficiles et complexes, tant sur le plan physique que sur celui de la prise de décision. Pensons par exemple à l'utilisation de l'IA dans la planification de la production.
Il s'agit, par exemple, de soutenir l'humain dans la production, une synergie entre l'homme et la machine. Cette vision vise à faciliter, grâce à la technologie, une interaction homme-machine qui soit complémentaire et qui utilise les forces de chacun. Le but est d'arriver à une synergie de l'homme et de la machine où la complémentarité entre l'un et l'autre est centrale. En d'autres termes, le rôle et le bien-être de l'homme jouent un rôle primordial dans le processus de production.
Pourquoi l'industrie 5.0 maintenant?
Dans la vision de l'Industrie 4.0, l'homme travaille encore comme s'il était une machine. Programmé par un système MES semi-automatique, piloté par l'analyse des données, pour effectuer x tâches en y temps. Le travail des machines, effectué par l'homme parce que la technologie fait encore défaut ou n'est pas assez mûre pour que l'on puisse remplacer les humains par des robots dans la chaîne de production. L'Industrie 4.0 est parfaite dans une usine 'lights out' où aucune action humaine n'est requise, mais pas lorsqu'il y a des humains dans la boucle.
Aujourd'hui, tout ne peut pas être automatisé, de sorte que l'action et l'expertise humaines restent souvent nécessaires pour une opération particulière. Maximiser la valeur et la contribution des humains, telle est la vision de l'Industrie 5.0.
Imiter l'intelligence humaine dans les logiciels
reste le grand défi de l'IA
Pensons aux compétences humaines qui sont très difficiles à reproduire par une machine (réflexion pour résoudre des problèmes, créativité pour parvenir à une solution ou ajuster un processus, manipulations techniques). Un autre exemple est l'intelligence artificielle, dont beaucoup pensent qu'elle est la solution à tous les problèmes. L'écart avec l'IA qui imite ou dépasse l'intelligence humaine ne semble pas encore comblé. L'imitation de l'intelligence humaine dans les logiciels reste le principal défi de l'IA. Le méta-apprentissage, qui permet d'apprendre comment apprendre des choses, jouera donc un rôle important. Dans le contexte de l'Industrie 5.0, l'IA devra être capable de faire face à ses propres limites. De même, dans certaines applications, une intervention humaine restera nécessaire dans l'exécution d'une décision de l'IA. Par ailleurs, certaines boucles de décision peuvent être trop rapides pour le cerveau humain. On en revient alors à la synergie entre l'homme et la machine.
L'adaptation optimale des tâches pour les robots/machines et pour les humains, sur la base de leurs forces et de leurs 'faiblesses', est un premier pas vers l'I5.0. On pense d'emblée à la coopération entre humains et cobots, déjà établie dans certains secteurs, mais l'Industrie 5.0 est plus (large) que cela. Dans le contexte des cobots, la vision de l'I5.0 consiste à faire en sorte que le robot assiste l'homme de manière optimale dans ses tâches et vice versa, les forces du robot et de l'homme étant ainsi renforcées et utilisées de manière optimale. Le robot est alors chargé des tâches ennuyeuses, répétitives, dangereuses et lourdes (en termes d'effort physique, par exemple). On peut rechercher la cohérence et la qualité atteintes dans une production purement automatisée, pour les tâches 100% automatisables, via une synergie homme-machine poussée et optimisée pour les tâches où l'intervention humaine est importante et nécessaire.
L'être humain dans la boucle est très précieux en tant que décideur de processus de décision automatisés (par exemple, le choix parmi un ensemble de paramètres machine proposés par un algorithme). Tant pour le travailleur, qui tire de son droit de décider une appréciation et une reconnaissance de son expertise, que pour les algorithmes automatiques, dans lesquels une évaluation finale à partir de l'ensemble des possibilités proposées n'est parfois pas une étape si évidente.
La synergie homme-machine dans la production permet à la production de masse d'ajouter une touche humaine aux produits
La philosophie de l'Industrie 5.0 permet de répondre au besoin émergent de personnalisation de masse. L'idée qui sous-tend cette initiative est celle d'un retour au sentiment d'autrefois, où le produit avait une touche humaine. Ce besoin d'une touche personnalisée est bien réel. Pensons à la popularité des produits 'faits main' et des boutiques en ligne correspondantes. La synergie homme-machine dans la production permet à la production de masse de donner une touche humaine aux produits.
Outre les raisons susmentionnées en faveur de l'Industrie 5.0, la vision centrée sur l'humain encourage les travailleurs et crée un lieu de travail agréable.
Applications actuelles
L'Industrie 5.0 est peut-être le nouveau mot à la mode, et le soi-disant successeur de l'Industrie 4.0. Le principe et la vision sont déjà présents dans divers secteurs et applications aujourd'hui. Surtout dans les applications où l'automatisation traditionnelle n'apporte pas de solution et où les gens se rendent compte qu'ils jouent un rôle clé important, pour des raisons techniques ou économiques. Pensons au contrôle de la qualité sur des paramètres qui ne peuvent pas être immédiatement saisis dans des mesures objectives et où l'on s'en remet à un sentiment humain. D'autres exemples sont des tâches où une certaine action est techniquement impossible ou de qualité insuffisante, et où l'être humain augmente le débit et la qualité en effectuant l'action manuellement (l'application de colle exige un certain sens de la qualité dans des endroits difficiles à atteindre ou sur de grandes distances, ou le polissage de grandes surfaces). Dans ce contexte, le choix d'une implémentation de l'Industrie 5.0 s'explique par l'augmentation de la qualité et de la capacité de production, la réduction des délais grâce aux petits lots et l'aspect le plus important: l'utilisation du personnel en fonction de sa valeur ajoutée.
Bien sûr, les entreprises de travail sur mesure se distinguent dans le contexte de l'Industrie 5.0. L'accent est mis sur les actions humaines, les robots n'étant évidemment pas utilisés pour automatiser les actions humaines, mais pour accroître l'éventail des actions réalisables.
Défi dans le domaine de l'interaction sociale
L'Industrie 5.0 apporte l'interaction sociale homme-machine. Compte tenu de la nature quotidienne des interactions sociales, la complexité du défi qu'elles représentent pour un robot est souvent sous-estimée. La machine/le robot/l'IA doit modéliser la dynamique sociale et apprendre les normes sociales et morales. Le développement de la 'theory of mind' d'un robot (qui fait référence à la capacité de s'attribuer à soi-même et aux autres un état d'esprit tel qu'une croyance, une émotion, un désir, etc. et la capacité de comprendre que son propre état et celui des autres peuvent être différents) constituera un énorme défi.
En outre, il faut tenir compte du fait que les contacts et les relations sociales dépendent de la culture et sont généralement des engagements à long terme avec beaucoup de dynamique.
Le robot ne sera pas le seul à devoir apprendre ou se faire apprendre l'interaction sociale avec l'homme. Les humains devront également se soumettre à l'acceptation sociale de la machine/robot/AI. Il faudra déployer beaucoup d'efforts pour sensibiliser et enseigner les derniers développements afin d'y parvenir et de faire comprendre que les humains et les machines peuvent travailler ensemble de manière complémentaire et synergique. Les travailleurs et, dans une phase ultérieure, la population, qui étaient habitués à travailler avec des 'robots programmés statiques', devront par exemple faire face à des cobots et à des machines contrôlées par des algorithmes et qui ne semblent pas toujours faire des choses qui ont du sens. Le développement de robots/machines/algorithmes capables de comprendre l'empathie et de tenir leurs 'promesses' sera nécessaire pour établir une relation de confiance. Il faudra développer de nouvelles méthodes qui modélisent les attentes humaines. Le robot devra avoir une notion des conséquences de ses propres actes afin d'interagir socialement de manière optimale avec les humains et de réaliser pleinement l'Industrie 5.0.