LES MATRICES: TOUT UN ART
Entre maitrise de la conception, des materiaux et de la production
En principe, vous pourriez fabriquer vos matrices vous-même, mais dans la pratique, le résultat est souvent décevant. Les matrices exigent une précision de moulage supérieure à la moyenne et une expertise spécifique dans plusieurs domaines, allant d'une connaissance approfondie des matériaux – parce que chaque application nécessite un matériau aux caractéristiques spécifiques – à la connaissance des ressorts, bagues et dévêtisseur et à la maîtrise complète du processus de moulage. De plus, les fabricants de matrices sont souvent confrontés à des alliages spéciaux plus durs et difficiles à usiner. Cela nécessite aussi un certain savoir-faire, en plus de machines bien équipées parmi lesquelles l'incontournable machine d'électroérosion à fil ou au zinc.

PLEIN FEU SUR LES PANNEAUX
Une matrice est la forme négative du produit que vous voulez fabriquer. Cela signifie que la forme de ce produit sera directement liée au moule. En d'autres termes, la précision de la matrice est primordiale. Il en existe de toutes formes et de toutes sortes. Une façon facile de classer les matrices est de regarder le matériau qu'elle permettra de travailler. Pour les plastiques, on parle de moules d'injection. Dans le cas des métaux non ferreux – l'aluminium en est un exemple bien connu – on parle souvent de matrices d'extrusion, tandis que dans le cas des métaux ferreux, on se préoccupe davantage des moules de fonte – aussi appelés matrices de moulage sous pression. Enfin, nous en arrivons aux panneaux et aux chants. Lors de la découpe à l'emporte-pièce, p.ex., on part souvent d'une bobine. Les matrices utilisées sont des moules de poinçonnage, de pliage, de découpe et d'estampage.
Les différences entre ces variantes sont grandes, trop grandes pour les couvrir toutes. Prenons l'exemple des moules d'injection: ce type doit pouvoir être fermé avec un minimum de jeu, car plus le jeu est petit, plus vous pouvez contrôler l'épaisseur de la paroi. En outre, la température (y compris le refroidissement) et la pression jouent un rôle majeur, car le matériau entre généralement dans les moules sous forme liquide. Cela signifie, entre autres, que la matrice doit pouvoir résister à des températures élevées. Lors du poinçonnage, la température a généralement moins d'importance. Le poinçonnage est une déformation mécanique d'une tôle mince basée sur le cisaillement, entraînant la rupture. Il s'agit d'un principe différent et donc d'un problème différent. Dans ce qui suit, nous nous limiterons à ce type de matrices.
L'ESTAMPAGE IDEAL POUR LES GRANDES SERIES
L'estampage est très similaire au poinçonnage. Il s'agit aussi d'un processus de formage au cours duquel l'outil de coupe ou le poinçon est poussé à travers le matériau, tandis que la matrice ou la plaque de découpe maintient le panneau du matériau. En poussant le poinçon, une zone de cisaillement est créée localement, là où le matériau finira par céder. Ensuite, il est important de ramener le poinçon à sa position de départ sans endommager le matériau. C'est moins évident qu'il n'y paraît, car le diamètre du trou après la ‘coupe’ est plus petit en raison du retour élastique de la plaque. Souvent, on a besoin d'une plaque de support vers le bas ou d'une plaque de tamisage qui maintient le panneau en place.
Parfois, il faut chercher un peu avant de trouver le bon réglage, ce qui est encore plus important avec les feuilles enduites, car un dévêtisseur trop puissant pourrait endommager le revêtement. Lors de l'estampage, c'est à l'opérateur de prendre soin du matériau (c'est-à-dire du produit) mais aussi du panneau. Dans le cas du poinçonnage, il ne se charge que du panneau usiné. De plus, contrairement au poinçonnage, l'estampage nécessite des outils spécifiques adaptés au produit. L'estampage est donc particulièrement intéressant pour les grandes séries. C'est aussi une technique qui se prête parfaitement aux contours complexes en une seule opération.

OUTILS PASSES AU CRIBLE
Passons maintenant aux outils. Il est important de savoir comment ils sont construits en tant qu'ensemble unique, car nous comprendrons alors mieux où se situent les difficultés et où les choses peuvent éventuellement coincer. Après tout, les outils incarnent le cœur du processus de transformation. Ce sont eux, en effet, qui déterminent la forme du produit.
Structure générale
Le poinçon et la matrice sont les ‘pièces moulées’. Ils sont spécifiques à chaque produit. Vous avez aussi le panneau supérieur et inférieur, sur lesquels le poinçon et la matrice sont fixés respectivement. Le poinçon et la matrice doivent se déplacer l'un par rapport à l'autre. Souvent, il s'agit d'une ligne droite. C'est la tâche du guide sous la forme de deux ou plusieurs colonnes. On parle de bloc pour parler de la combinaison des colonnes et du cadre supérieur et inférieur. Il est possible d'acheter des blocs complets, mais aussi des pièces détachées. Il s'agit de pièces standard qui ne sont pas spécifiques à un produit, bien que l'on choisisse souvent de les fabriquer sur mesure, en raison de la liberté de forme.
Variantes
Pour commencer, on a les outils ouverts sans guide. Pour la précision du mouvement, vous dépendez du guidage de la machine. Une autre variante, appréciée avec les outils de poinçonnage, utilise une plaque de guidage fixe qui sert aussi de dévêtisseur. L'inconvénient est que la plaque de guidage et l'outil de coupe exigent tous deux une très grande précision dimensionnelle. De plus, vous risquez d'endommager les pièces à cause des copeaux de métal (p.ex. avec de l'aluminium) et l'accessibilité pour l'opérateur peut parfois poser problème, ce qui rend l'insertion manuelle difficile. Les outils guidés par colonne sont une troisième variante – et les plus utilisés. Il y a ici deux différences évidentes: vous disposez d'un guide élastique qui sert, p.ex., à fixer le matériau de la bande lors de l'estampage de la bobine.
Certaines constructions intègrent un serre-flan plutôt qu'une plaque de guidage élastique. C'est plus rapide et cela permet d'estamper plus vite parce qu'il n'y a plus de ressorts qui risquent de se détendre. C'est aussi beaucoup moins cher parce qu'il n'y a pas de ressorts et qu'il y a moins de pièces mobiles. La solution avec ressorts rend la conversion plus difficile, mais dans certains cas elle est nécessaire. De plus, elle garantit aussi une forme finale ou une découpe plus nette.
Plusieurs usinages en un
Pour augmenter la productivité et l'efficacité de votre processus, vous pouvez choisir d'utiliser des outils qui peuvent combiner plusieurs opérations. Pensez p.ex. à la combinaison coupe-pliage-coupe ou poinçonnage-traçage-estampage. Vous avez deux possibilités: soit vous effectuez ces opérations multiples en une seule fois, soit vous placez plusieurs stations en ligne, les produits intermédiaires étant généralement collés sur la bande pendant le transport d'une station à l'autre. Dans le premier cas, il s'agit d'outils combinés, dans le second, d'outils progressifs.

POINTS D'ATTENTION
Pour obtenir un résultat reproductible – l'objectif est de fabriquer plusieurs milliers de pièces – la machine et l'outil doivent être bien coordonnés. Sinon, vous n'obtiendrez aucune constance dans le mouvement. Trois causes principales peuvent entraîner des problèmes.
Problèmes de centrage
Les problèmes de centrage peuvent avoir plusieurs causes : une mauvaise interaction entre la machine et l'outil, des contraintes latérales ou une force de processus qui n'est pas centrale, un poussoir oscillant... Un mauvais centrage entraîne une mauvaise répartition de l'espace de coupe, ce qui entraîne une courte durée de vie de l'outil et une formation de bavures. Un guide d'outil rigide peut s'avérer salvateur, mais ne sera pas toujours suffisant.
Dépassement
Nous avons déjà mentionné que l'estampage et le poinçonnage sont basés sur le cisaillement, ce qui entraîne la rupture. Lorsque le matériau finit par se déchirer, l'énergie accumulée est soudainement libérée et le poinçon peut dévier. Le poinçon et la matrice sont donc soumis à une usure supplémentaire. Par conséquent, les chocs de coupe doivent être évités au maximum. Vous pouvez, p.ex., chanfreiner les outils de coupe pour permettre un processus plus uniforme. Malheureusement, cela entraîne une contrainte latérale, ce qui ne conviendra pas pour les plus petits outils.
Déformation
Au cours du processus de formage, certaines contraintes puissantes peuvent déformer élastiquement le banc de la machine, provoquant un mouvement relatif entre la machine et l'outil. Il en résulte principalement des erreurs de centrage et des imprécisions dans le réglage en profondeur de l'élément butoir. Ce mouvement relatif peut aussi entraîner le desserrage des adaptateurs de serrage et, par conséquent, le desserrage de l'outil. On peut adapter le réglage de la longueur des axes de pliage, car il compense la flexion. Bien sûr, vous pouvez déjà faire beaucoup en plaçant correctement les adaptateurs de serrage et en utilisant un bâti de machine assez rigide.
CONCLUSION
La fabrication de matrices est donc une spécialité. Là où les fournisseurs classiques sont spécialisés dans leur propre produit et niche, les constructeurs de matrices doivent s'adapter à toutes sortes d'applications et de produits pour lesquels ils doivent développer des matrices. Cette expérience leur permet d'en apprendre les uns des autres et de profiter ça et là de connaissances beaucoup plus variées, par exemple sur les ressorts à gaz spécifiques ou sur un type particulier de colonnes qui pourrait convenir parfaitement à votre produit. Selon les constructeurs de matrices, les développements les plus importants se situent donc dans l'amélioration continue des éléments standard pour faciliter l'alignement, par exemple.
Les constructeurs de matrices prouvent également leur valeur ajoutée par le choix judicieux de matériaux souvent plus durs et résistants à l'usure en combinaison avec des revêtements de haute qualité afin de maximiser la durée de vie des poinçons et des matrices. Mais il faut aussi pouvoir usiner ces matériaux avec une précision dimensionnelle supérieure à la moyenne. Vous ne pouvez relever ce défi qu'avec des machines performantes et des logiciels adaptés. C'est ainsi que tous les logiciels classiques intègrent des modules spéciaux pour les matrices: SolidWorks, CATiA, Mastercam, TopSolid, Visi, WorkNC ... Il existe même un logiciel spécifique pour les matrices progressives. Il permet entre autres de déplier des produits complexes et à partir de là de construire une matrice beaucoup plus vite, en quelques clics seulement. Autant de raisons qui soulignent l'importance de bien réfléchir avant de commencer à travailler soi-même sur les matrices